« Ce livre de Jacky Hamard, Fougères vies ouvrières est une somme, un index, une archive ouvrière. Le livre est un inventaire supplémentaire des monuments historiques… ».
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« Des clichés noir et blanc qui vont au-delà du travail documentaire… »
La Chronique Républicaine
La Sirène : 47 avenue Georges Pompidou 35300 Fougères.
Email : sirene.fougeres@orange.fr
«Fougères, vies ouvrières» a été publié en juillet 2018. Le livre, 180 photographies en noir en blanc prises à la fin du XXème siècle, a été tiré à mille exemplaires. Des photograhies en argentique bien sûr, l’ère du numérique n’ayant pas encore débuté.
Il a fait l’objet d’une série limitée et numérotée de 170 unités en feuille de pierre. Cette technologie innovante venue de Taïwan est constituée à 80% de poudre de pierre et ne nécessite ni bois, ni eau, ni chlore dans la composition de la feuille. Bien que contenant 20% d’un plastique, elle m’était apparue comme une piste alternative à envisager au papier traditionnel et l’impact de sa production sur l’environnement bien que le papier recyclé soit répandu.
La feuille de pierre avait fait partie d’une réflexion menée par la CCI de Quimper pendant deux ans et la fondation Zeri de Gunter Pauli autour de «l’économie bleue» en Cornouaille.
«Fougères vies ouvrières» est ainsi le premier livre de photographies (et peut-être le seul!) à avoir été édité, en France en tout cas, en feuille de pierre. Elle apporte un ton chaud aux tirages. Pour moi, il s’agissait aussi de créer une passerelle entre une innovation et des photographies prises vers la fin du siècle dernier, y compris dans une entreprise de… granit breton.
Je profite de ces lignes pour remercier mon éditeur, l’association La Sirène, et notamment Nelly Evrard, alors présidente, pour avoir accepter cette idée iconoclaste non prévue au départ du projet.
Avec Gérard Fourel
«Fougères vies ouvrières» est paru après «Fougères l’ouvrière» de Gérard Fourel (photographies) et Marc Baron (textes) publié en 2013. Ces deux livres édités chez La Sirène participent à l’origine d’une même démarche.
Dans les années 1980, Gérard et moi avions initié un projet de reportage photographique sur l’industrie dans la «capitale de la chaussure» alors que la deuxième moitié des années 70 avait été dure pour Fougères. Pas moins de sept entreprises représentant près de 3.000 emplois avaient connu de graves difficultés. Ce contexte avait imposer l’urgence de vouloir témoigner par la photographie en noir et blanc de l’industrie et de la vie ouvrière fougeraises.
L’idée était née lors d’une rencontre avec Gérard Fourel. 38 ans à l’époque,il avait tenu un magasin de photographe à Fougères, rue Nationale. Depuis le début des années 80, il consacrait son art de la photographie argentique et du noir et blanc au Portugal, aux habitants du Trás-os-Montes. (*). Il était aussi un «ancien» de la chaussure pour avoir travailler chez Réhault dans les années 60.
Réhault justement avait été le déclencheur de notre démarche. Le 28 janvier 1976, l’entreprise de 655 salariés (733 l’année précédente) avait déposé le bilan. Elle sera liquidée dès le 10 février.
Etudiant en histoire à l’Université de Haute-Bretagne (Rennes 2), j’avais réalisé un mémoire de maîtrise sur le conflit des Réos qui en avait suivi, un conflit dans la lignée de Lip avec occupation d’usine, «trésor de guerre» et ventes sauvages qui durera quatre ans et quatre mois. Alors le plus long conflit social de France. A la fin, ils seront seize présents lors de la remise des clés des locaux à l’entreprise Barbier.
L’abbé Bridel et la Cristallerie fougeraise
La chaussure, première industrie à Fougères, cité médiévale devenue ouvrière de 24.000 habitants (1982), sous-préfecture d’Ille-et-Vilaine, située à 40 kilomètres de Rennes, n’avait pas la réputation d’être particulièrement transparente et prompte à autoriser un regard extérieur à se glisser dans son univers, à capter son fonctionnement, ses relations humaines. Encore moins à s’ouvrir à un photographe amateur de 26 ans comme moi.
A notre plus grande surprise, la société Bertin avait été la première à nous ouvrir grandes ses portes. Avec enthousiasme.
Collaborateur à la revue d’histoire locale Le Pays et toujours étudiant à Rennes, je venais d’écrire un DEA (diplôme d’études approfondies) consacré à l’abbé Bridel à Fougères de 1909 à 1933.
Dans «Fougères, la rouge» le prêtre démocrate avait marqué d’une empreinte forte son action en faveur du monde ouvrier au point qu’une statue avait été érigée après son décès avec cette mention, «à la mémoire de l’abbé Bridel (1880-1933), la classe ouvrière reconnaissante». Une statue qui m’avait toujours intrigué lorsque je me rendais au collège public situé sur la place Lariboisière. Bien plus que la majestueuse statue équestre du général, trônant à quelques mètres.
Oncle d’Emile Bridel, célèbre beurrier de Martigné-Ferchaud (35), l’abbé avait été à l’origine de la création de syndicats ouvriers séparés de salariés en ce début de XXè siècle, d’une coopérative de consommation, d’une société coopérative d’habitation à bon marché, d’une banque coopérative, d’un comité d’action sociale, de plusieurs coopératives de production. Il sera ainsi le fondateur en 1921 de la Cristallerie Fougeraise suite à un conflit à la Verrerie de Laignelet.
Ce travail universitaire avait été pour moi l’occasion de réaliser mon premier reportage photographique dans cette entreprise du quartier de Bonabry.
«Fougères, vies ouvrières» a ainsi eu pour ambition de témoigner d’un passé, pas si lointain, et de l’existence d’une industrie de main-d’œuvre laminée et oubliée en France et en Bretagne.
(*) La mémoire blanche Negrðes, texte de Gilles Cervera, photographies de Gérard Fourel, édition Kernes 1986.
Des mêmes auteurs: Terras de Barrosso, Negrðes, Les éditons du petit démon, 2004.
Carnets du Barroso, poèmes de Serge Prioul, photographies de Gérard Fourel, édition Vagamundo, 2014.
Bretagne-Trás-os-Montes, Gérard Fourel, Melo Editrice, 2016.
Site Internet: www.gerard-fourel.com