Pascal Jaouen

De Bannalec à Compostelle

 

 

Reportage et photographies noir et blanc

Jacky Hamard

Publié le 29 septembre 2019

 

 

 

 

Pascal Jaouen

WAR AN HENT…

Sur la route de…

Bannalec à Compostelle

Editions Ouest-France

Prix :  39 euros

 

« Sur la route de… »,War an hent en breton. De Bannalec à Compostelle. La nouvelle collection du brodeur et styliste quimpérois Pascal Jaouen connaît un prolongement par l’édition. Sous la plume hors des sentiers battus de Danièle Le Pape et de l’œil sensible de Béatrice Le Grand. Le point d’orgue d’une commande de Lisardo Lombardia, directeur du Festival interceltique de Lorient (le FIL) consacré en 2019 à la Galice.

Une collection, un livre. Pascal Jaouen reste dans la lignée qu’il s’est fixé depuis « Regards vers l’ouest » en inscrivant la broderie dans l’écrit. N’allez pas chercher dans « Sur la route de… » une somme technique. Ici, point de point de Lunéville, de sémantique explicative ou contemplative sur la beauté des œuvres créées pour symboliser cet emblématique chemin retracé par Pascal Jaouen.

« Le Brodeur bleu  a été ma thérapie… »

En 2005, un premier livre « Le Brodeur bleu » (éditions Le Télégramme) avait mis en lumière l’aventure de l’école fondée en 1995 (*). Il avait inscrit Pascal Jaouen dans le grand cycle de la broderie. Institué son apport dans l’affirmation d’un style « Glazik ». À en créer une marque, « le point glazik ». « En soi, la broderie glazik n’existait pas, elle ne faisait pas partie d’une broderie particulière contrairement à la broderie bigoudène plus identifiée » rappelle Danièle Le Pape. « Pascal Jaouen a vraiment travaillé sur la notion glazik en créant un lien moins symbolique, plus modeste, plus joyeux, plus libre, plus inspiré de la nature » précise l’ancienne journaliste du Télégramme et confidente du brodeur en devenir, alors qu’elle était en poste à Pont-l’Abbé, auteure déjà de cet ouvrage.

« Le Brodeur bleu a été une confidence, ma thérapie. Il m’a permis de dire qui j’étais réellement. Danièle est entrée dans mon intimité. Me confier comme cela, je ne l’avais jamais fait. Pour ce nouveau livre, je ne voyais pas d’autres personnes qu’elle » révèle Pascal Jaouen.

Hommage à Yann-Fanch Kemener

L’affinité, une notion essentielle chez Pascal Jaouen. « Après la mort en mars de Yann-Fañch Kemener (NDLR : la voix d’or du renouveau du chant traditionnel breton), j’ai pris une disponibilité de six mois pour apprendre le breton avec l’association Mervent » explique-t-il. Ce qui se traduit aussi par l’introduction non prévue dans le livre en gestation, pas loin d’être imprimé, de textes en breton avec la complicité de Joan Bizien.

 

Pour «  War an hent… Sur la route de… Bannalec à Compostelle » Danièle Le Pape a refait des étapes du pèlerinage de Saint-Jacques, noirci un carnet de notes, fait son «  voyage au cœur d’un songe ».

L’auteure souligne les points communs entre la Bretagne, le Finistère et cette Galice, «celte, en effet, elle ne l’est qu’officieusement » rappelle-t-elle bien que « reconnue officiellement par le FIL ». En tout cas, « deux régions aux narines et au cœur atlantiques » entre le Sal (rivière morbihannaise) et le Sil (affluent du Minho). Ose le terme de « réciproque » pour qualifier les deux régions.

Ses étapes sont tout autant faites de rappels et de clins d’œil géographiques ou historiques, d’anecdotes que d’impressions. Elle cite Pontivy, « Napoléonville », Sainte-Anne-d’Auray, la gabelle à Guérande, l’impôt sur le sel, l’époque des bains de mer prémices de la thalassothérapie, l’économie négrière de la ville de Bordeaux, consacre une page à Roland de Roncevaux. Elle s’arrête sur le pays basque, «  royaume des consonnes et des voyelles, i, u, x, z, k », retient à Burgos l’histoire de l’infante Kristina, la « princesse viking ».

Elle fait partager les senteurs de sa pérégrination, végétales, minérales, animales, n’omet pas la cuisine, les produits de la mer et de la terre, propose même quelques recettes. Sans oublier le… vermut  ! Lance une campagne pour sauver le desman asturien, une « taupe à trompette qui nage au lieu de creuser ».

« La Dame de la mer, c’est le trésor de Pascal Jaouen… »

Mine de rien, au détour des pages, Danièle Le Pape donne des pistes pour appréhender le fil qui guide le créateur. Par petites touches, elle livre des clés de décryptage, « la Dame de la mer, c’est le trésor de Pascal Jaouen, une allégorie de son temple intime ». Elle n’oublie pas la connivence entre le brodeur et Nathalie Broënnec, première main.

Les photographies de Béatrice Le Grand reflètent et accompagnent ce dévoilement. Ses images montrent la magnificence des tenues, font comprendre l’extraordinaire travail, l’ingéniosité, la précision, la technicité, la patience en mettant en valeur les détails, les fils, les perles, les matières, « le plus humble coquillage est traité comme un bijou ». Elles font exploser les couleurs comme elles donnent à voir la finesse blanche ou nacrée. Celles du défilé de Fouesnant donnent la vie. La lumière naturelle de l’atelier de l’école de broderie d’art à Quimper rapporte la douceur et le calme quand ce même éclairage des coulisses d’un défilé fait sentir l’impalpable tension.

« Regarder, respirer, adapter, rêver et ajouter son grain de sel, c’est le chemin de Pascal Jaouen » détricote Danièle Le Pape. Et si elle n’hésite pas à convoquer peintres et écrivains à son périple, l’un d’eux prend un écho tout particulier. Ne voit-elle pas dans le poète Francis Jammes le « chantre d’une forme de simplicité, d’ordinaire magnifié par son regard profond et fraternel ».

Vous avez dit J…

(*) L’école de broderie d’art de Pascal Jaouen compte 28 lieux d’enseignement en France. 1 500 élèves sont inscrits à la rentrée 2019-2020. Avec les stages, elle accueillera 2 000 personnes.