Maéva Parent

Un toit pour être libre

 

 

Reportage et photographies noir et blanc

Jacky Hamard

Publié le 11 février 2019

 

Lasse du bureau d’études, elle voulait travailler en extérieur et en… hauteur. Maéva Parent, 33 ans, a fondé fin 2017 son entreprise artisanale de couverture à Scaër (29). Un grand bol d’air pour cette ancienne sportive de haut niveau.

Ne lui dites pas couvreuse, «ce n’est pas joli, cela choque un peu» lance-t-elle. Va pour couvreur donc.

Bac pro et sport de haut niveau

Pour Maéva Parent, l’essentiel n’est pas là. Il est de dominer le paysage à plusieurs mètres de hauteur. Elle a donc troqué la conception CAO-DAO sur ordinateur pour le marteau du couvreur. «Il y a dix ans, je ne l’aurais pas cru si on m’avait dit que je serais couvreur» en sourit-elle. Et si petite, la jeune femme originaire de Pertuis dans le Vaucluse, voulait être laveur de carreaux et pratiquait l’escalade, son parcours lui a fait passé un DUT en sciences et génie des matériaux à Nantes avant une bac Pro en design matériaux et modélisation à La Baule en contrat de professionnalisation. Maéva Parent mène en parallèle une pratique sportive de haut niveau en section sport études. Entre 2003 et 2007, elle va aligner les performances : championne de France de funboard jeune en 2003, 2004 et 2005, vice-championne de France jeune et senior en 2006, 9è de la semaine Olympique de Kiel (Allemagne) l’année suivante.

«On m’a proposé un CDI, j’ai dit non…»

Pendant deux ans, elle va travailler dans la capitale ligérienne dans un bureau d’études comme dessinateur-projeteur. «Je faisais de la conception de menuiserie. On m’a proposé un CDI, j’ai dit non. J’aimais ce que je faisais mais cela ne me plaisait pas de rester enfermée dans un bureau toute la journée» .

Son itinéraire la conduit à Concarneau. C’est là qu’elle découvre sur Internet une petite annonce de l’Afpa de Quimper à la recherche d’un couvreur en CDI pour un employeur.

Une femme en couverture ? Avant de l’embaucher, il lui fera faire deux semaines de stage… «Moi non plus, je ne savais pas si cela allait me plaire» tempère-t-elle. Elle obtient son CAP et travaille dans le sud-Finistère pendant six ans. Elle en profitera pour être diplômée de la très réputée École de couverture d’Angers.

«Les mentalités ont beaucoup évolué…»

 

«La naissance de ma fille en 2015 m’a donné à réfléchir. J’ai décidé de m’installer à mon compte» explique-t-elle. Elle fonde sa société à Scaër devenant l’une des rares artisanes bretonnes en couverture et débute toute seule». Je connais une autre femme au Trévoux qui a pris la suite de son père mais je n’en connais pas comme moi qui arrive de nul part.

Regards étonnés pour le moins au début. Quand j’étais salariée j’avais des remarques des couvreurs mais aussi des clients. Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne vas pas monter sur le toit, tu as d’autres choses à faire me disait-on.

Pas de misogynie par contre du côté des banques lors de l’installation, «Cela a été très facile, ce sont plutôt les banques qui se sont battues. Elles savent qu’il y a beaucoup de boulot en couverture. Les chantiers arrivent tout seuls et j’avais quand même de l’expérience».

«J’ai fait ma place dans le milieu professionnel. En sept ans, les mentalités ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, des clients m’appellent parce que je suis une femme» constate-elle.

«Être là-haut…»

Un apprenti a rejoint l’entreprise en février 2018 et un deuxième salarié en juin suivant. «À l’origine, je n’étais pas partie pour avoir deux salariés mais je dois faire face à la demande. Si je le voulais, je pourrais en prendre une troisième mais je veux rester sur le toit. Ce qui me plaît, tant que je peux, c’est d’être là-haut, ce n’est pas d’être dans un bureau à faire des devis. Chaque jour sur un toit est un voyage dans un pays libre» dit-elle.

Difficile pourtant de concilier vie familiale et vie professionnelle, «les journées sont très chargées, je m’occupe des devis le soir quand ma fille est couchée».

Maéva Parent ne regrette à aucun moment sa reconversion. Et même, «ne redeviendrais salariée pour rien au monde».